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Transmutation. Épisode 2 : Rencontre avec la Mort.

- Temps de lecture : 4 minutes

Allongée sur une table, l’enfant est transportée vers une destination inconnue. Recouverte d’un drap blanc elle est nue.

Le lit roule… Seuls des murs couleur crème anglaise glissent devant ces yeux.

Elle déteste la crème anglaise : sa texture dégoulinante dans son gosier. Pourquoi sa mère s’évertue-t-elle à faire des îles flottantes à la crème anglaise, à chaque fois qu’il y a des invités ?

Tel un tapis volant, le lit vole rapidement vers le fond d’un couloir… Une porte métallique s’ouvre, le chariot s’y engouffre. Les murs s’effacent rapidement sous son regard, l’emportant vers les entrailles de la terre.

Une porte s’ouvre, toujours allongée, elle perçoit des murs à grands carreaux verts, des lumières, des sons éloignés, des voix…

Tout à coup, un homme surgit devant ses yeux, une blouse bleue, un drôle de calot bleu vissé sur sa tête. Il se penche, un visage froid et doux à la fois.

-« Ne t’inquiète pas petite, tout va bien se passer,… tu vas dormir et on se retrouve après »

– « Quel âge as-tu ? 

– 8 ans

– Compte jusqu’à 3

– 1,2…

– … ??? »

 

 Une chambre inconnue. Ce n’est pas sa chambre. Où est-elle ?

-« Ah, ça y est, tu es réveillée ?

– Comment vas-tu ? Le docteur a dit que tu avais sauté comme une feuille à ton réveil. Tu voulais descendre du brancard.

-…

– Heureusement que tu as été opérée, tu frôlais la péritonite. Quelques jours de plus et c’était grave. »

 

13 octobre 1972, Clinique Gandy, Bagnères de Bigorre.

Pourquoi ai-je si mal à mon côté ?

C’est quoi une péritonite ?

Pourquoi de tels coups sur mon lit ?

– « Maman, j’ai mal ! »

– Oh ! ma  pauvre petite ! Tu as mal ! » clame Georgette en ponctuant sa phrase d’un grand coup de poing sur le lit.

A chaque coup porté, un poignard s’enfonce dans la plaie tenue par les agrafes. Pourquoi ne comprend-elle pas qu’elle me fait mal ?

– « Maman, j’ai mal ! »

Et vlan ! Georgette remet ça.

– « Maman, j’ai mal ! »

Mais maman ne comprend pas. Maman ne comprend rien ! Elle est là, tentant de me rassurer. Elle se penche, me caresse la joue, la tête, comme elle sait si bien le faire. Mais ses douceurs ne calment pas la douleur.

-« Maman c’est quoi une péritonite ? 

– Ça veut dire quoi, quelques jours de plus et c’était grave ?

– Ça veut dire que tu aurais pu mourir… »

Voilà, le gros mot est lâché !

Mort, mourir. J’aurais pu mourir… et voilà 1 mois que je disais que j’avais mal au ventre. Mais pourquoi vous ne m’entendez pas quand je vous parle ? Pourquoi vous ne me prenez pas au sérieux, du bas de mes 8 ans, quand je vous dis que je vais mal ?

Elle est en colère. Cette colère ne la quittera pas pendant le reste de sa vie.

Pourquoi les parents n’écoutent pas les enfants ?

 

30 mai 1979, 22 heures.

Nous rentrons à l’hôpital de Lourdes.

Ces murs…. Verts… Ils sont la signature du rendez-vous avec la mort. Les mêmes murs que lors de mes 8 ans.

Cette fois-ci, ce n’est pas un brancard qui roule. C’est un des tiroirs en aluminium de la morgue. Dans ce tiroir, un drap blanc, un corps…

Soudain un cri, des pleurs,… et moi dans un coin, isolée, comme dédoublée. Je flotte dans la pièce. Figée, je ne sens rien coupée de mon corps. Ma tête observe.

-«  C’est Robert, c’est lui, je le savais… »

C’est mon deuxième rendez-vous avec la mort. Celle de mon frère ainé.

 

Ce n’est que plus tard que je découvrirai ce qu’est l’état de sidération. Suite à un traumatisme…

 

16 octobre 2022, ça fait 50 ans que j’ai eu mon premier rendez-vous avec la mort.

Il aura fallu 43 ans pour que je comprenne que le choc du décès de mon frère n’est que la répétition du choc de ma propre rencontre avec la mort à 8 ans.

Il aura fallu qu’une question me soit posée, le 30 septembre 2022 :

-« As-tu vu ce que tu t’infliges ? L’apnée, ne pas respirer, pourquoi le fais-tu ? »

Quinze jours après, la réponse s’est imposée à moi : l’état d’apnée, c’est ne pas respirer, pendant un temps donné.

C’est expérimenter la non vie.
Même si les organes vitaux continuent de fonctionner. C’est expérimenter l’état de mort, pendant quelques secondes.

 

Et vous savez quoi ?

La mort, telle que je l’imaginais n’existe pas. Parce que même quand la respiration se tait, la vie est là.

Quelque-chose de plus fort existe.

 

J’ai peur et ce n’est pas la mort en elle-même qui me fait peur. Je ne sais pas ce qu’il y a après…

Ce qui me fait peur, c’est la douleur.

La souffrance de la maladie, la souffrance face à la perte des êtres chers, la douleur de la peur face à l’inconnu d’après…, la douleur liée à  la séparation. Perdre le connu et découvrir l’inconnu. La souffrance physique et psychologique.

 

L’apnée n’est pas quelque chose que je m’inflige, que ce soit dans l’eau ou lors des séances de pranayama avec le yoga.
C’est une forme de méditation que le coaching ne m’offre pas !

 

L’apnée, c’est quelque chose que je vis : la rencontre avec le silence et l’espace. L’espace en moi et l’espace sous-marin, la mer, la mère, la matrice originelle de mes premiers mois de vie.

Alors non, je ne m’inflige rien ! Je rencontre la Vie.

Car mourir est une transmutation vers un autre monde, inconnu et vivant.

Telle une langouste, je viens de muer.
Une mue, cette phase critique qui rend les animaux plus vulnérables, le temps de redonner de la rigidité à la nouvelle carapace.

Cet état, je l’expérimente aux pieds de mes 59 ans, bientôt 60 : être la même et devenir une autre à la fois…

Enfin je m’ouvre à la nouveauté, l’inconnu et la découverte d’une nouvelle partie de l’histoire de ma vie,…

…de femme.

Ma colère fait jour. Il est temps de m’en délivrer. Elle n’a plus lieu d’être…

 

Bonne semaine à toutes et tous…

Isabelle ABBADIE-BAOUSSON

 

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